samedi 31 octobre 2015

Krönik | Aathma - The Call Of Shiva (2009)


On connait trop peu la scène Metal espagnole, celle-ci abrite pourtant une scène Doom et Stoner de qualité qui aime se repaître dans une terre épaisse chargée de riffs rugueux et de remparts rythmiques velus. Né grosso modo des cendres de Glow , déjà auteur de deux bons albums entre 2005 et 2006, Aathma fait partie de ces formations dont la modestie de la renommée n'a d'égale que sa puissance tellurique d'une musique dont la maîtrise peut s'expliquer par sa respectable ascendance.

Un an après une démo séminale (Woods) que nous n'avons pas eu la chance de pouvoir écouter, les Madrilènes signent The Call Of Shiva, enclume coulée dans un sol chauffé au Soleil. En six titres écrasants et pachydermiques, le trio sculpte au burin un Doom brûlant que le chant de Juan Dominguez, biberonné au Nick Holmes (Paradise Lost) entraîne sur un terrain quasi-Gothic un peu inhabituel, le drapant d'une épaisse croûte de désespoir.

Adepte des longues perforations d'une dizaine de minutes en moyenne, Aathma, s'il commence sa course en avant avec le dynamique "A Tousand Nails" dont toutes les tubulures graisseuses sont directement reliées au centre de la terre, auquel succède le trapu "Oaks" drainant des riffs obsédants, de ceux qui creusent de profondes crevasses dans la mémoire, entame à partir de la fausse ballade "Snowbeam", où le guitariste fait des merveilles avec sa voix chaude et ténébreuse, une décélération infernale qui l'éloigne franchement des rivages Stoner auxquels il est maladroitement arrimé pour le raccrocher plus justement aux contreforts granitiques du Doom mortifère.

Véritable épicentre de l'opus, "The End Of The Snake" a ainsi quelque chose d'une effroyable et inéluctable marche vers la mort. Avec un minimalisme absolu, les Espagnols tricotent des instants pétrifiés suspendus au-dessus du vide. Ils creusent une tombe que même les accélérations jaillissant durant la seconde partie n'empêchent pas d'aboutir à un final étouffant et vicié qui s'enfonce sans aucun espoir de retour dans les Fosses Marianne de l'inexorable. En comparaison, "Voice" paraît presque léger... Du moins, est-ce ce que ses premières mesures laissent croire, car au bout de quatre minutes, la respiration espérée se mue en une lourde coulée de lave en fusion, montée en puissance fiévreuse cédant ensuite la place à la tristesse feutrée sur laquelle le titre s'ouvrait, lui donnant ainsi des allures d'un ouroboros émotionnel.

Il va sans dire qu'avec une œuvre de cette trempe, doublée d'une performance explosive lors du Doom Over Paris IV, nous attendons avec impatience le retour du groupe sur nos platines ! (ChildéricThor@2010)



BC | Zalys - The Haunting Moon (2015)


vendredi 30 octobre 2015

Krönik | New Years Day - Malevolence (2015)


Les visages grimés de manière horrifique, dignes de la fête d'Halloween, qu'arborent ses jeunes membres ne doivent pas vous effrayer ou vous faire craindre une énième formation pour gothopoufs, New Years Day mérite mieux que cela. Non pas que les Américains ne soient pas ce qu'ils ont l'air d'être mais ils ont le bustier suffisamment (bien) rempli pour faire oublier cette étiquette d'un abord peu alléchant. 

Parmi leurs atouts, citons déjà la présence derrière le micro de Ashley Costello, panthère de charme n'hésitant jamais à sortir les griffes, sorte de croisement entre Amy Lee (Evanescence) et Maria Brink (In This Moment). Ni un joli minois ni un bel organe n'étant désormais suffisants pour faire la différence, même si cela peut aider, le groupe compte surtout sur un songwriting irrésistible pour justement se démarquer et s'extraire de la masse.

Preuve est fournie avec "Malevolence", son troisième effort depuis 2005, successeur du remarqué "Victim To Villain", publié il y a deux ans. Américain de style jusqu'au bout des ongles et donc taillé en cela pour les ondes de là-bas, avec ses titres calibrés, gainés de riffs épais, l'album est de ceux qu'il semble impossible de prendre en défaut, brochette séduisante de douze morceaux certes quasi-millimétrés (comprendre qu'aucun d'entre eux ne franchit la barre des quatre minutes), à l'exception de la conclusion éponyme, qui pourtant emportent tout dans leur sillage. 

Tous possèdent franchement les qualités d'hymnes immédiats, grâce à des mélodies qui savent ferrer l'auditeur. 'Kill Or Be Killed', 'Alone' ou 'Relentless' représentent ce qui se fait de mieux dans le genre, entre rock alternatif et gothic metal. Avec intelligence, New Years Day parsème le menu de détails qui le rendent toujours passionnant. 

Discrètes touches electro ('Left Inside'), guitares qui ne se contentent pas d'abattre le petit bois ('My Ghost'), écriture plus nuancée qu'il n'y paraît, à l'image de la (fausse) ballade 'Suffer', alimentent ainsi une écoute qui tout du long maintient une gracieuse intensité, écoute que propulse bien entendu le chant de la belle Ashley dont le registre appuyé ne rime heureusement jamais avec vulgarité. 

Osons l'affirmer, "Malevolence" est un sans-faute qui ne cesse de s'embellir à chaque nouvelle plongée dans son intimité lourde et charmeuse. (ChildéricThor@2015)




BC | Headless Monarch - Silent Spring (2015)


jeudi 29 octobre 2015

Krönik | Praetoria - Mirror Of Modernity (2015)


Qu'il est loin le temps désormais où les premières fois se soldaient par de maladroites tentatives, parfois non sans un certain charme il est vrai, mais trahissant l'incertitude qui anime alors les groupes à leurs débuts. Au contraire, il n'est plus rare aujourd'hui de découvrir des galops d'essai d'une redoutable maîtrise, œuvre de musiciens déjà sûrs de leur art.

Tel est ainsi le cas de PRAETORIA qui, formé en 2009, se fend avec Mirror Of Modernity d'un opus séminal qui, de part ses insolentes qualités, semble être le rejeton d'une longue lignée d'albums. Seul le style pratiqué permet de deviner la jeunesse de ce combo en devenir, artisan d'un Metal sévèrement burné qui tête les mamelles du Death, du Thrash et du metalcore. Bref, c'est du lourd, du furieux, du qui éructe ses boyaux.

Pas très novateur sans doute, encore que maints détails, sur lesquels nous reviendrons, viennent quelque peu dévier la trajectoire que ces cartouches semblent vouloir prendre, mais l'ensemble sonne extrêmement carré, professionnel, comme une mécanique bien huilée qui jamais ne se grippe. Trapus, ces onze titres son propulsés par une énergie implacable, ils abattent le petit bois, emportés par un chant énervé et une rythmique métronomique. Techniques et enrobés dans l'habillage sonore ad hoc qui laisse à chaque instrument l'espace nécessaire pour s'exprimer, ils avalent les minutes avec une cadence soutenue sans que la tension ne débande, à aucun moment.

En cela, Mirror Of Modernity respecte haut la main le cahier des charges qui a présidé à sa conception. Cela pourrait être suffisant mais PRAETORIA injecte à un schéma éprouvé sa propre personnalité et surtout une bonne dose d'idées. Il en résulte un album constellé de breaks, soli et mélodies judicieux qui rendent l'écoute passionnante de bout en bout. Loin d'être linéaire, chaque compo a des allures de montagnes russes, traversée de multiples déchirures. Toutes sont plus redoutables les unes que les autres, de 'Inhumanity Is Complete' à 'The Passenger', de 'The Oath' à 'This World Immersed', qu'irriguent des lignes de parties de guitares orgasmiques.  Ce faisant, elles témoignent d'un long et évident travail d'élaboration, qui pourtant n'étouffe pas leur puissance et encore moins leur spontanéité.

N'hésitant ni placer un court instrumental acoustique beau comme un chat qui dort ('Praetorians') ni à livrer des paroles en français ('L'insouciant', peut-être même le titre le plus brutal et épidermique du lot), le groupe réussit son coup d'essai en conjuguant violence millimétrée et mélodies acérées. (ChildéricThor@2015)

BC | Bart Graft - Fleur (2015)


mercredi 28 octobre 2015

Krönik | Annihilator - Suicide Society (2015)


Nous avions presque oublié ces derniers années que Annihilator fut pendant très longtemps le théâtre d'incessants changements de line-up autour de son inoxydable figure de proue, Jeff Waters, qu'on ne présente bien sûr plus. Durant douze ans (un record !), Jeff Padden s'est accroché au micro, participant à quelques-uns des meilleurs albums du groupe, de"All For You" au bien nommé "Metal" ceci expliquant sans doute sa longévité à un poste qui jusqu'alors ressemblait à un siège éjectable. 

La décision de Waters de se priver de nouveau de chanteur nous ramène forcément vingt ans en arrière lorsqu'il était (presque) seul à la barre. Ainsi, comme à l'époque de "King Of The Kill" puis de "Refresh The Demon", le maître s'est chargé de tout sur cette quinzième rondelle, du chant à la guitare, sans oublier la basse, hormis la batterie, toujours assurée par Mike Harshaw dont il s'agit de la seconde collaboration avec le Canadien. 

Sans surprise et alors que Jeff aurait pu profiter de cette (petite) révolution pour renouer avec les velléités expérimentales de "Remains", injustement sous-estimées, "Suicide Society" reste au contraire du Annihilator pur jus, collection de cartouches biberonnées au Viagra par boîte de douze. 

Certaines mauvaises langues ne manqueront pas de souligner que le guitariste n'est toujours pas devenu un grand chanteur (ce n'est pas très grave) et qu'il ne se gène pas pour réchauffer toujours les mêmes riffs, les mêmes accroches (ce qui l'est plus), comme l'illustrent en effet des titres tels que 'The One You Verse', 'Creepin' Again'. De fait, il nous faut bien admettre que cet opus donne l'impression d'avoir été  réalisé à la va-vite, la créativité en pilotage automatique, loin des réussites de jadis ou même plus récentes. L'absence de Dave Padden y est-t-elle pour quelque chose ? C'est peu probable. 

Il en faut pourtant plus pour gâter une écoute orgasmique certes vierge de véritables morceaux de bravoure, à l'exception peut-être de l'amorce éponyme et de 'Every Minute' qui ferme la marche en beauté, mais ô combien efficace et remuante. Waters connaît son métier et nous balance des uppercuts rageurs comme il en a le secret ('My Revenge'), confirmant encore une fois qu'il n'est pas près de sucrer les fraises. 

Vous l'aurez donc compris, "Suicide Society" n'est pas un grand cru mais s'écoute toutefois avec un plaisir communicatif, signe de vie d'un musicien dont il faut saluer la sincérité et l'incroyable vitalité. Et puis de toute façon, un Annihilator en petite forme (tout est relatif) demeure bien supérieur à bien des skeuds ... (ChildéricThor@2015)

BC | Highelf - Children Of Do (2015)


dimanche 25 octobre 2015

Krönik | Bubonic Christians - Demo I (2014)


Certes, petit étron de cinq titres, il n'en demeure pas moins que cette démo séminale de Bubonic Christians mérite franchement le détour. Parce qu'elle exalte toutes les valeurs du vrai Black metal underground, celui qui ne peut proliférer que dans l'obscurité, loin d'une lumière qui jamais ne vient l'effleurer, tape au tirage limité dans la (bonne) tradition du genre.

Parce que ses géniteurs ne sont pas des inconnus, activistes de l'ombre au nombre de trois : le guitariste Alcoholichrist (Hell), le chanteur Maxime Taccardi (K.F.R., l'un des multiples projets de Déhà) et l'ancien batteur de Christicide, Waste. Surtout parce que, comme ce fut le cas de "Obédience", dernière démo en date de Hell, cette ostie va en réalité bien au-delà du crachat evil qu'elle semble être.

De fait, si ses atours sales comme le sang menstruel, dont cette prise de son extrêmement crue et cette sève primitive et fiévreuse qui le secoue, arriment ce galop d'essai à un art noir bestial et orthodoxe, vierge de kystes mélodiques, il y a là un sens du riffing obsédant qui permet au trio d'être plus qu'une simple horde d'ayatollahs du black old school.

De même, le son, pour cradingue qu'il soit n'a rien d'un cache-misère derrière lequel est tapie la médiocrité. A l'instar de Peste Noire dont il diffère cependant, on sent chez Bubonic Christians la volonté de capter une forme d'énergie méphitique. Rustre et survolté, le son se veut donc plus recherché qu'il n'y parait.

On pourrait regretter que deux des cinq pistes proposées ne soient en fait que des versions instrumentales de 'Morbid' et 'Let Me Piss On Your Grave' qui ouvrent la marche, la première, saillie rapide et tordue à souhait, la seconde, implacable avec ses coups de boutoir qui labourent les chairs tel un scalpel rouillé, cependant que l'écoute s'achève (trop vite) sur un titre anonyme qui a des allures d'ébauche, de brouillon et sans lignes de chant non plus, mais au contraire, ce côté répétitif confère à cette démo l'aspect d'un maleström de négativité qui crachote, rituel impie dont nous sommes comme les témoins cachés dans l'ombre d'une crypte... (ChildéricThor@2015)

BC | Wry - Neophytic Congeries (2015)


BC | Toner Low - Low @ Dynamo (2012)


samedi 24 octobre 2015

Krönik | Potergeist - Crocodile Tears (2015)


De la Grèce, on connait ses images d'Epinal, Demis Roussos etc..., mais moins son rock velu. Pourtant, le pays regorge de groupes sévèrement "burnés", pour qui le mot riff a encore un sens. Affublé d'un bien curieux nom, Potergeist est de ceux-ci. 

Actif depuis une dizaine d'années, ce quatuor athénien n'a pas chômé puisque "Crocodile Tears" est déjà son quatrième effort. Tout d'abord arrimés au southern rock, les Grecs s'en sont peu à peu éloignés pour arpenter aujourd'hui les terres plus heavy encore d'un stoner metal façon rouleau-compresseur et donc davantage porté sur le gros qui tache que sur la pipe à eau. 

Et comme chez bien d'autres jeunes fleurons du genre, on sent poindre, notamment dans les lignes de chant, une influence grungy toujours séduisante, quand bien même Alex  S. Swamp ne rechigne jamais à grogner comme un grizzly en colère ('Truth'), ce dont on ne se plaindra évidemment pas. Malgré une originalité peut-être aux abonnés absents, force est de reconnaître que Potergeist envoie le petit bois, sans prétention, avec cette savoureuse simplicité qui reste l'apanage de musiciens sincères, qui ont le Rock avec un grand R - le vrai, le pur - chevillé au corps.

Sans jamais débander et enrobé dans une production énorme, "Crocodile Tears" file très vite, trop vite même, imparable brochette de grenades remplies jusqu'à la gueule d'une semence aussi épaisse qu'électrique. Dommage toutefois que le groupe ne varie pas plus les plaisirs, tout du long prisonnier d'un schéma dont il ne s'éloigne véritablement que le temps du magnifique 'Last Punk Standing', échappée plus lente que ses devancières et que sillonnent des guitares aux courbes obsédantes, tout autant point d'orgue que point final d'une écoute toujours agréable.  

Saupoudré d'un peu de plus de variété, l'album aurait tutoyé le sans-faute. En l'état, il n'est donc qu'un bon disque, d'une séduction immédiate, alliage de puissance et de mélodies trapues, ce qui après tout n'est déjà pas si mal. (ChildéricThor@2015)

BC | Iced Out - Man's Ruin (2015)


BC | Iron & Stone - Maelstrom (2013)


vendredi 23 octobre 2015

Krönik | Délétère - Les heures de la peste (2015)


Au risque de se répéter, on ne dira jamais assez tout le bien qu'il faut penser de la chapelle noire québécoise qui s'est peu à peu affranchi de l'influence scandinave pour façonner un art qui n'appartient qu'à elle, à sa manière froide et lugubre et nourrie d'un cadre géographique hostile. S'appuyant sur de petites labels passionnés tels que les Produtions Hérétiques ou Sepulchral Productions, FORTERESSE, MONARQUE, GRIS, SOMBRES FORETS ou SORCIER DES GLACES figurent parmi ces artisans de la nuit et du désespoir.

De part sa taille forcément réduite, cette scène canadienne est aussi une histoire de famille, une famille de musiciens qui ne se cessent bien souvent de se croiser d'un projet à l'autre, à l'image de DELETERE justement, alliance fraternelle entre Atheos (MONARQUE) et Thorleïf (VALKNACHT et ex UTLAGR). Le Black Metal que sculpte dans la glace le duo se révèle aussi cru que sinistre sans pourtant être vierge d'émotions, sentiments de désolation, de solitude, de haine... Bref, tout l'arsenal habituel certes que le groupe transcende toutefois en le drapant d'un suaire quasi religieux.  

Découvert grâce à deux démos tape des plus recommandables, Inoptia et Morbo puis Sacrificiuù Necrothytum, réunies depuis sous la forme d'une compilation (De Ritibus Morbiferis - Demo Compendium), DELETERE enfante enfin une hostie séminale fortement attendue par les adorateurs de cette chapelle. Bizarrement, les premières bouchées laissent un goût mitigé dans la bouche car on ne retrouve tout d'abord dans Les heures de la peste ni le feeling hivernal et crépusculaire ni la réussite des ébauches qui l'ont précédé. Le duo paraît vouloir miser sur une aggressivité tranchante au détriment des ambiances, fonçant pied au plancher ('Prime - Exitiabilis Venatus'), propulsé par une guitare grésillante et une batterie déchaînée.

De fait, Les heures de la peste honore un black metal cru et sans concessions, froid et malsain. Du moins, est-ce l'impression qu'il renvoit lors de sa défloration. Sa richesse atmosphérique ne se dévoile qu'ensuite, par petites touches. Ce que nous aimions dans les deux premières démos est bien là mais tapi dans les replis de compositions aussi vicieuses que tortueuses. Il faut donc creuser, gratter la chair pour faire suinter un sinistre éclat lors de morbides décélérations, témoin 'Tierce - Aux thaumaturges égarés, une étoile...', auquel succède le long 'Sexte - Une charogne couronnée de fumier'.

Malgré tout souvent mélodique dans ses furieuses échapées ('Complies - Une garce vénale en majesté') voire presque épique lorsque des choeurs fendent la nuit ('Laudes - Credo II'), Les heures de la peste bouillonne de fiel et de haine mais déçoit tout de même un peu, DELETERE ayant perdu lors du passage du format démo à celui de l'album longue durée, ce qui faisait son charme obscur... (ChildéricThor@2015)

BC | Böse - Foundation To Fight With The Shadow (2015)


BC | Grimpen Mire - A Plague Upon Your Houses (2014)


jeudi 22 octobre 2015

Krönik | Lucifer's Child - The Wiccan (2015)


Présenter Lucifer's Child comme le fruit de la réunion de membres de Rotting Christ et Nightfall est certes exact mais démesuré puisque ni George Emmanuel, guitariste chez le premier, ni Stathis Ridis, bassiste chez le second, ne peuvent être considérés comme des pièces maîtresses de leur groupe respectif. 

L'étiquette a cependant au moins le mérite de nous livrer deux précieux indices, l'un nous assurant d'une qualité technique forcément de mise, l'autre que la musique sera sombre. Forcément là aussi. A l'instar de ses grands frères, le quatuor baigne dans l'occultisme ténébreux. La comparaison ne s'arrête pas là tant la filiation est évidente, notamment par le travail de Sakis qui partage cette même noirceur baroque et ce sens de l'accroche ravageuse identique. 

Nous aurions pourtant tort de réduire Lucifer's Child à ce seul patronage. Il mérite mieux et "The Wiccan", son coup d'essai s'avère également un coup de maître insolent de maîtrise. En moins de quarante minutes, les Grecs esquissent déjà un style à la fois obscur, mélodique et suffisamment travaillé pour écoper d'une appellation "progressive black metal" toutefois bien incongrue. 

Point de progressif à attendre de ce méfait mais au contraire une hostie subtilement agressive, parfois rapide, à l'image de 'He Who Punishes', reptilienne le plus souvent, rappelant alors un peu les derniers Satyricon, témoin ce 'A True Mayhem' bien burné. D'une manière générale, les Grecs privilégient les ambiances pesantes à la froide brutalité, comme le prouve 'Hors de combat' ou bien encore 'King Ov Hell'. 

(Trop) court, "The Wiccan" atteint le point G en fin de parcours avec deux joyaux noirs. Il s'agit tout d'abord de 'Lucifer's Child', lente respiration qui suinte une absolue tristesse et dont les lignes envoûtantes sont comme une funeste sirène entraînant le pèlerin sur le chemin de la mort. 

C'est ensuite le très justement baptisé 'Doom', excavation finale longue de plus de six minutes au garrot, d'une lenteur quasi mortifère. Le chanteur y hurle son désespoir comme si demain ne devait plus jamais exister, sentiment douloureux que soulignent des guitares engourdies par la contrition, prisonnières d'une gangue polluée tandis que les frappes du batteur s'écrasent comme une chape de plomb. 

Ces deux monuments justifient à eux seuls l'acquisition de cet album qui propulse d'entrée de jeu ses géniteurs dans la cour des grands. (ChildéricThor@2015)

BC | High Demon - S/T (2015)


BC | Viscous Liquid - S/T (2013)


mercredi 21 octobre 2015

Krönik | Délétère - De Ritibus Morbiferis - Demo Compendium (2015)


Si les compilations n'ont, en règle générale, que peu d'intérêt, tel n'est pas le cas de De Ritibus Morbiferis - Demo Compendium. Pourquoi ? Parce que le sujet de cette somme n'est autre que DELETERE, soit une des hordes les plus excitantes de la chapelle québécoise.

Parce que son contenu, agrégat des démos Inoptia et Morbo et Sacrificium Necrothytum, éditées respectivement en 2012 et 2013 par Les Productions Hérétiques et désormais épuisées, permet justement à ceux qui n'ont pas eu la chance de se les procurer à l'époque en format cassette, d'en découvrir la teneur. Parce que cet art noir venu de notre ancienne colonie possède une identité qui lui est propre et nous est chère, glaciale et sinistre à sa manière qui ne doit rien aux Scandinaves. Parce que.

Quoi de mieux, alors que ses auteurs, Atheos (MONARQUE) et Thorleïf (UTLAGR), nous offrent en même temps et chez le même Sepulchral Productions, un premier méfait, baptisé Les heures de la peste, forcément très attendu, que de se (re)plonger dans ses deux esquisses. Dont acte. Composé de neuf pistes, c'est très simplement que De Ritibus Morbiferis s'ouvre sur celles ornant Inoptia et Morbo. Drapées dans un suaire aux teintes liturgiques à l'image des lugubres 'Credo' et 'Escarre' qui les encadrent, ces plaintes labourent les chairs d'un Black Metal lancinant mais mélodique où les guitares grésillantes s'accouplent à des claviers gothiques ('Une lampée de Ciguë'). Tout est dans les atmosphères, morbides ('Le cantique des vers') et funéraires dont le pinceau est aussi incarné par un chant crépusculaire.

Se succèdent ensuite les quatre titres animant Sacrificium Necrothytum, tout d'abord étonnamment rapides ('Milites Pestilentiae', 'Sales vestales') avant de s'enfoncer au fond de méandres reptiliennes, à l'image de 'Terveneficus' , pulsation sinistre engourdie par un cinglant désespoir qui n'est pas sans rappeler Forteresse, puis l'éponyme 'Sacrificium Necrothytum', rituel incantatoire aux confins de la Dark Ambient dont les bourdonnements malsains sont peu peu avalés par un orgue fantasmagorique duquel s'échappent des notes grêles résonnant dans une cathédrale impie en un final sombrement grandiose.

Bref, De Ritibus Morbiferis - Demo Compendium se veut la porte d'entrée idéale pour qui souhaite découvrir DELETERE, artisan majeur de cet art noir typique de l'école québécoise. (ChildéricThor@2015)

BC | Atarah - Silenze Of GOD (2015)


BC | Kozmotron - Taking In The Outtakes (2014)


mardi 20 octobre 2015

Krönik | The Exploding Eyes Orchestra - S/T (2015)


The Exploding Eyes Orchestra n'illustre pas seulement la solide entente entre les membres de Jess And The Ancient Ones dont la majorité - cinq sur sept -  se retrouve dans ce nouveau projet, il témoigne avant toute chose de l'incroyable sève créatrice qui coule dans les veines de Thomas Corpse, principal ordonnateur des deux entités, guitariste et compositeur prolifique ne cessant d'amasser du nouveau matériel. 

Alors certes, il est bien entendu permis de s'interroger quant à l'utilité pour le Finlandais de se disperser de la sorte alors que Deathchain (surtout) et Winterwolf (un peu moins), dans des registres différents car plus extrême certes, l'occupent déjà par ailleurs. Pour l'intéressé, la réponse est pourtant simple : The Exploding Eyes Orchestra lui permet de livrer des compos incompatibles avec le répertoire de Jess And The Ancient Ones, et qui sinon seraient restées dans un tiroir. 

Les deux groupes sont-ils néanmoins si différents que cela ? De loin, nous serions tentés de répondre par la négative, ne serait-ce déjà parce que le chant de la divine Jess, prêtresse au(x) charme(s) très personnel(s), s'avère tellement reconnaissable qu'il tend forcément un pont entre les deux. De fait, ses admirateurs, toujours plus nombreux, ne seront ni dépaysés ni déçus par ce galop d'essai. 'The Smoke", qui en ouvre les portes avec une sombre volupté, ne dépareillerait ainsi pas vraiment sur un album de son aîné, quand bien même s'y glissent de discrètes teintes psyché auxquelles les Finlandais nous avaient peu habitués. 

De près, en revanche, la réalité se révèle dans sa complexité. Au doom façonné par son faux frère-jumeau, The Exploding Eyes Orchestra préfère un art plus délicat à cerner, moins lourd peut-être, plus influencé par les années 70, comme tend à le démontrer la présence affirmée de claviers antédiluviens (le curieux 'My Father The Wolf'), plus porté sur les ambiances sans doute. 

L'écoute attentive de ce premier opus dévoile en effet nombre de traits que n'affichent pas les albums du principal port d'attache de ses auteurs, à l'image des lents 'Crazy Heart' et 'Drawning Down The West', sans oublier le terminal 'Farewell To All-in-One', longue dérive aux relents jazzy, cependant qu'affleurent nombre de lignes et détails bizarres voire franchement expérimentaux, témoin l'étrange et déglingué 'Black Hound', que hante un harmonica fantomatique. 

Side-project que l'on n'espère pas éphémère, The Exploding Eyes Orchestra se révèle être le complément idéal à Jess And The Ancient Ones, en moins Doom et plus évolutif, signant un premier album aux qualités certaines qui envoûte autant qu'il surprend. (Childéric Thor@2015)

BC | Majeure - Union Of Worlds (2015)


BC | Mane Of The Cur - Wild Hunt (2012)


lundi 19 octobre 2015

Krönik | Dwell - Vermin And Ashes (2014)


Demo tape d'une vingtaine de minutes éditée en 2013 par Deadbangers, Ash Tombs avait réussi en trois titres seulement, à nous ferrer, petite cathédrale abritant un doom death austère et grisâtre déjà rempli jusqu'à la gueule de grandes idées. La chapelle danoise étant sans doute des plus minces, les musiciens à l'origine de DWELL ne nous sont pas inconnus, side-project du guitariste Allan B. Larsen d'ALTAR OF OBLIVION et de son compère au sein de THE VEIN et CHURCH BIZARRE, le chanteur Jens B. Pedersen.

Ce respectable pedigree n'est d'ailleurs étranger ni à la qualité de ce jet séminal ni à cette inspiration aussi belle que sentencieuse. Sans faire de lui un messie attendu de pied ferme, reconnaissons cependant que les espoirs placés dans ce premier album étaient grands. Vermin And Ashes est-il à la hauteur de ceux-ci ? Si l'on est d'abord un peu frustré de ne découvrir finalement que trois nouveaux titres (sur six !), le reste reprenant l'intégralité de la démo, cette déception se trouve vite balayée à la fois par le plaisir de réécouter les morceaux de Ash Tombs toujours aussi puissamment mortifères et par l'excellence des pistes inédites.

Celles-ci peinent pourtant au début à s'imposer face aux grandioses 'Become The Void', instrumental sinistre tout en ambiances glaciales, et plus encore 'Plunging Into Ash Tombs', que cisaillent les riffs cendreux d'Allan B. Larsen dont on reconnaît bien la griffe, ici toutefois moins mélodiques que chez ALTAR OF OBLIVION. Mais, les écoutes aidant, la première partie de l'album se révèle finalement, par petites touches, corpus moins immédiat, plus complexe sans doute aussi, ce qu'il doit probablement à un line-up enrichi que complètent désormais quatre autres mercenaires, pour la plupart issus de la même famille (de THE VEIN en particulier).

Devenus un vrai groupe, les Danois peuvent explorer une écriture des plus personnelles, granitique et menaçante mais qui gronde d'une beauté souterraine, à l'image de 'Pathless And Dormant', autre titre (presque) instrumental, hanté par des nappes brumeuses et des voix sépulcrales, illustrant encore une fois cet art des atmosphères fantomatiques. Labyrinthiques, 'Vermin In My Arteries', émaillé de lignes de guitares belles à pleurer et 'A Collapse Sublime', aux atours tout d'abord plus abruptes, bien qu'il soit lui aussi enténèbrés par des claviers aux teintes spectrales, ont quelque chose de gemmes noirs nichés au fond d'une intimité longue à déflorer. Cela une fois fait, on mesure combien est grand cet opus, théâtre d'un Doom Death vraiment particulier. (Childéric Thor@2015)

BC | Demon Head / Alucarda - Miles Ahead // Reverend Bizarre (2015)


BC | Neptune's Inferno - Abyss (2014)


dimanche 18 octobre 2015

Krönik | Invoker - Aeon (2015)


Pour être franc avec vous, nous n'attendions rien de cette deuxième saillie de Invoker, pour la simple et bonne raison que son prédécesseur, "A New Age", n'a jamais atteint nos cages à miel. Celles de Non Serviam Records, apparemment si. Grand bien en a pris au label hollandais car sans cela, nous serions sans doute passés à côté de cette formation teutonne. 

L'insolente qualité de ce "Aeon" presque sorti de nulle part démontre que nous aurions alors raté un bon groupe. Un très bon groupe même, artisan d'un art noir nourri au death metal, non pas celui qui fonce pied au plancher mais qui au contraire serre le frein à main, panzer implacable en pleine invasion de la Pologne, même si les Allemands n'hésitent parfois pas à enclencher la seconde, comme ils le font durant 'Engulfed For Million Of Years', titre néanmoins aéré de soyeuses nappes mélodiques. 

Macérer dans le sirop n'est d'ailleurs pas ce qu'ils réussissent de mieux, témoin 'The Wolves Chant', courte piste orchestrale qui ne s'imposait sans doute pas. Ouvrant l'écoute et irrigué par une guitare aussi douloureuse que grésillante, l'autre titre instrumental s'avère bien plus convaincant, signe que les atmosphères pesamment envoûtantes leur sied bien davantage. A la confluence d'un black majestueux  et d'un death doom minéral, "Aeon" galope à travers des terres sombres et ravagées, creusant de profondes crevasses. 

Enclumes cyclopéennes, 'Across The Abyss', 'Woods Of Nothingness' ou 'Lawless Hunter' et ses airs de Bolt Thrower,  dressent une lourde turgescence que sillonnent des veines gonflées d'une funeste semence. Tendu, la peau dure comme la roche, "Aeon" séduit par sa maîtrise du canevas  granitique que forge un groupe au savoir-faire insoupçonné, bloc robuste pointant son dard dans une nuit à peine constellée de quelques touches de lumière. 

A sa manière, modeste et sans folie bien que d'une efficacité toute redoutable, Invoker vient d'accoucher d'un album carré et sans prétention, théâtre d'un art noir reptilien mais toujours mélodique, lequel donne furieusement envie de se jeter sur son aîné passé (presque) inaperçu et surtout de découvrir très vite un troisième méfait qu'on souhaite plus puissamment inspiré encore. Bref, c'est une très bonne surprise. (Childéric Thor@2015)

BC | Biggus Riffus - S/T (2015)


BC | Space Mushroom Fuzz - Live At Reverse Feed Studio (2013)


samedi 17 octobre 2015

Krönik | Caldera - Centralia (2015)


CALDERA est un groupe exigeant. C'est l'une de ses (très) nombreuses qualités mais aussi, d'une certaine manière, une de ses (rares) faiblesses en cela qu'il élabore chacune de ses créations comme une oeuvre d'art total, autant dans le fond que dans la forme, où tout est pensé dans ses moindres détails, un peu à la manière d'une toile de maître. Même un EP, objet d'ordinaire emballé à la va-vite chez beaucoup d'autres, revêt chez lui une importance au moins égale à celle de ses "vrais" albums.

Or, un petit (par la renommée, s'entend) peut-il vraiment se payer un tel luxe, de surcroît pour un format mal-aimé que les labels ne se battent pas pour publier même quand il est le fait de combos réputés ? Nous répondrons par la négative, ce que les Français ont réalisé et vécu à leurs dépens, collectionnant les embûches afin d'aller au bout de cette aventure nommée Centralia , offrande que nous n'espérions plus vraiment, capturée depuis longtemps maintenant et qui doit de ne pas avoir finalement été avortée à la seule volonté de ses géniteurs.

A son écoute, on ne peut que féliciter CALDERA de ne pas avoir abandonné car c'eut été alors un formidable gâchis tant cet opus, plus que la simple addition de quelques titres, deux en l'occurrence (nous y reviendrons), se veut au contraire une pierre supplémentaire d'un édifice qui se construit peu à peu, un édifice dont les racines purement Stoner tendent à s'estomper au profit d'un socle viscéralement instrumental beaucoup plus doom voire audacieux, sinon expérimental.

Comme Mithra reprenait les choses là où les avait laissées Mist Through Your Consciousness , Centralia s'inscrit dans le sillage de son devancier, tissant avec lui des liens évidents : même architecture démesurée, mêmes ambiances terreuses et désespérées à la fois. Le gros morceau (dans tous les sens du terme) de cet opus réside dans son titre éponyme, long de plus de 13 minutes. D'une trompeuse simplicité en cela qu'elle semble tout d'abord s'étirer pour rien, donnant l'impression que peu de choses s'y passent, cette pièce se révèle au contraire un vrai bijou de construction et de progression, lente dérive quasi immobile symbole de cette ville américaine de Centralia rongée par un feu éternel.

Le rythme du morceau épouse cette espèce d'inexorabilité, derelict mortifère s'abîmant dans les entrailles de la terre. Il y a du ABANDON pour cette manière de dilater une trame à l'infini. Mais loin d'être répétitive, celle-ci bourgeonne au contraire de mille détails qui ne surgissent que par petites touches pointillistes. Se coulant avec intelligence dans la fosse creusée par le titre éponyme, la reprise du 'Garden Of Love' d'AMBER ASYLUM s'impose naturellement, alors que ce choix était à priori surprenant sinon casse-gueule. C'était sans compter sur l'inspiration du groupe qui a su s'approprier ce morceau pour en faire oeuvre personnelle, et finalement donner l'impression qu'il s'agit d'une composition originale, plainte belle à pleurer aux confins d'un Doom sentencieux.

Centralia illustre plus que jamais le gouffre séparant le CALDERA d'aujourd'hui de celui qu'il fut à ses débuts. Comment sera-il dans dix ans ou même dans cinq ans ? On ne le sait. On peut cependant imaginer dans quelle direction, noire comme le désespoir, le groupe devrait s'enfoncer... (Childéric Thor@2015)

BC | Catacombed - Drone Rehearsal (2015)


BC | Smokin' Basement - King Desert Smoke (2014)


vendredi 16 octobre 2015

Krônik | Orkan - Livlaus (2015)


Bien qu'il ne soit plus un puceau de l'art noir, ayant vu la nuit en 2008 et auteur d'un premier méfait quatre ans plus tard, nombreux sont pourtant ceux qui découvriront Orkan avec ce "Livlaus" aux allures de nouveau départ, ce qu'il doit beaucoup à l'exposition que la signature avec le très estimable label Dark Essence Records ne manquera pas de lui conférer. 

Né plus ou moins des cendres de Enchanting Darkness, obscure formation certes toujours officiellement active mais qui n'a réussi à accoucher que de deux démos, le groupe accueille surtout en son sein deux anciens membres de Taake (en live uniquement), le bassiste Sindre et le guitariste Gjermund Fredheim, également musicien de session chez Syrach. 

La partition que livrent les Norvégiens ne noue toutefois aucun lien avec le premier et encore moins avec le second. Point de doom à l'horizon donc, du black metal certes mais plus agressif et rapide que celui sculpté par Hoest qui, avec Taake, a toujours privilégié les ambiances à la brutalité pure. Orkan, lui, ne fait pas vraiment dans la dentelle ni dans le point de croix, assénant un metal noir aussi intense que viscéral, aux confins du thrash, témoin par exemple ce 'Uforgjengeleg' que laminent des riffs comme des scalpels rouillés. 

En sept saillies abrasives, les Scandinaves font saigner les muqueuses. Trop peut-être, diront certains, regrettant un album vierge de véritables nuances, qui fonce pied au plancher sans jamais serrer le frein à main, jusqu'au furieux 'Skodde', point final  dont la cadence effrénée se voit cependant brisée lors d'une dernière partie plus lente, plus pesante. 

Si "Livlaus" possède une faiblesse, celle-ci réside sans doute en réalité dans le fait de démarrer avec son meilleur titre. En effet, du haut de ses (presque) dix minutes au jus, 'Fanden Pa Veggen' écrase tout sur son sillage avec sa longue entame tournoyante, ses accords grésillants et le break redoutable qui le perfore. 

Oscillant entre déflagrations trapues ('Brende Bruer Svart Metall', qui n'est pas sans évoquer le Enslaved d'autrefois, notamment pour ses lignes de chant) et pulsations granitiques ('Livlaus 1 et 3'), le reste ne reproduit jamais vraiment cet orgasme initial sans que cela ne grève la valeur d'une offrande parfaitement maîtrisée, édifice sinistre aux contours abrupts, exaltant les forces obscures d'un black metal rapide et venimeux. (Childéric Thor@2015)

BC | Idus de Marzo - S/T (2015)


BC | Giza - I Am The Ocean, I Am The Sea (2014)


jeudi 15 octobre 2015

Krönik | Ende - Whispers Of A Dying Earth (2012)


Difficile de parler de ENDE sans évoquer son principal auteur, I. Luciferia, activiste de la chapelle noire hexagonale (REVERENCE surtout mais aussi ANIMUS HERIRLIS, OSCULUM INFAME...) que n'effraye pas non plus l'Ambient, comme l'a démontré le split que son LEBEN OHNE LICHT KOLLECTIV a partagé avec IMMEMORIAL.

Voilà donc un musicien inspité sinon talentueux dont ENDE est le jardin secret en cela qu'il y fait tout ou presque, ne laissant que la batterie à un autre être humain, Thomas Njodr au cas particulier, lequel confère à l'ensemble l'indispensable touche organique qui la distingue de tous ces machins paralysés par une énervante boîte à rythme. Peut-être pas vraiment un one-man band donc mais l'esprit y est pourtant, longtemps laboratoire solitaire d'une seule âme comme en témoigne la génèse de Whispers Of A Dying Earth , opus séminal gravé entre 2004 (ses deux derniers titres, ce qui s'entend d'ailleurs) et 2010 (tout les reste).

Que le chanteur et guitariste de REVERENCE soit derrière ENDE représente un indice précieux quant à la teneur de ce dernier autant dans la forme que dans le fond. Dans la forme, il est l'assurance d'une réalisation très professionnelle où les riffs pollués s'accouplent néanmoins avec une prise de son âpre et nerveuse loin de la bouillie derrière laquelle se planquent trop souvent les albums de ce genre.

Dans le fond ensuite, sa présence arrime par nature l'offrande à une certaine tradition nationale, tranchante et véloce à la fois mais que drape toutefois un suaire d'ambiances mélancoliques à l'image du squelettique et très bel instrumental final, 'Les souhaits d'un songe' et ses arpèges sécrétatoires d'une tristesse infinie. La majorité de ces neuf compositions galope à travers une géographie accidentée que sillonnent des chemins escarpés. Le long 'A Cold Way', que perforent de nombreuses crevasses, 'Whispers Of A Dying Earth', mid-tempo sévère et 'Our Funeral' participent de cette architecture tourmentée, alternant avec de furieux blasphèmes ('De Profundis', 'Thorns') pour aboutir à un menu extrêmement tumultueux.

Sachez qu'au moment où vous lirez (peut-être) ces quelques lignes tardives, ENDE sera en train de préparer une seconde offrande que la jouissive défloration de sa devancière rend forcément très attendue... (Childéric Thor@2015)

BC | Perturbator - Night Driving Avenger (2015)


BC | Mothersloth - Moribund Star (2014)


mercredi 14 octobre 2015

Krönik | Tracer - Water For Thirsty Dogs (2015)


Nous aurions aimé ne dire que du bien de "Water For Thirsty Dogs", quatrième rondelle gravée par Tracer. Parce que les kangourous compt(ai)ent parmi les groupes de (Stoner) Rock les plus jouissifs surgis ces dernières années. 

Parce que nous avions le zizi tout dur en écoutant donc "Spaces In Between" puis "El Pistolero", deux albums aux allures de classiques instantanés, galettes énergiques mêlant avec une classe folle Hard seventies et Blues Rock puissant. Parce qu'en matière de musique burnée qui transpire le feeling par toutes les notes, les Australiens ne déçoivent que très rarement. Parce que... 

Nous espérions forcément beaucoup de cette nouvelle cuvée du power-trio (quoi d'autre ?), la déception n'en est donc que plus grande. Alors, bien entendu, "Water For Thirsty Dogs" n'a rien d'un faux pas honteux, de la boursoufflure condamnée de facto aux oubliettes. Dans son genre, il se veut plutôt bon, très bon même, épousant la recette honorée par ses glorieux aînés à base de riffs épais comme des jambons, de mélodies racées et de lignes vocales éraillées qui font ronronner les filles. 

Il faut même avoir les cages à miel encombrées pour ne pas succomber au pouvoir de cette poignée d'hymnes tous plus irrésistibles les uns que les autres ('Owe You Nothing' qu'irriguent des lignes de guitare entêtantes). Dès l'amorce éponyme, l'opus est lancé, avalant les minutes comme une mécanique bien rodée. Les brûlots s'enchaînent, toujours courts, (trop) calibrés, ils donnent envie de taper du pied, lents parfois, à l'image du superbe 'Lazy', ultra plombés toujours ('Us Against The World', 'The Machine' et sa basse énorme), un peu facile aussi tel ce 'Homeward Bound' toutefois séduisant.

Le bilan semble au final des plus positifs mais d'où viennent les grumeaux alors ? De choses presque indéfinissables en fait, qui tiennent du ressenti. Un charme un peu érodé, une écriture certes redoutable bien qu'éprouvée et l'impression que le trio est passé à côté du grand disque viennent gâter ce "Water For Thirsty Dogs" vierge de cette élégance brute et jubilatoire qui a fait la réussite des offrandes précédentes. 

Débarrassé de sa superbe, Tracer se montre sous un jour presque banal. Son talent lui permet de dépasser encore de la tête et des épaules nombre de ses compagnons de route, mais il devra prouver avec son album suivant qu'il en a encore sous la semelle et n'est pas (déjà) en panne d'inspiration. Il vaut mieux que cet effort au demeurant agréable, que les écoutes successives bonifient qui plus est, mais dont la qualité, quoique réelle, le situe très en deçà, d'un "Spaces In Between" que ses auteurs ne parviendront peut-être plus à égaler... (Childéric Thor@2015)

BC | Terzij de Horde - A Rage Of Rapture Against The Dying Of The Light (2010)


BC | Maniacs On Wheels - S/T (2014)


mardi 13 octobre 2015

Krönik | Nel Ventre Della Bestia - S/T (2015)


Parler d'album à propos de cet happening sonore éponyme enfanté par NEL VENTRE DELLA BESTIA, semble inapproprié sinon absurde car nous sommes là en présence d'un véritable rituel plutôt que d'un simple disque comme nos sens l'entendent. Mais parler de musique peut paraître tout aussi absurde en ce sens que les Italiens à l'origine de ce projet, dont le guitariste Matteo G. de La Cuenta, forgent en réalité un matériau aux allures de magma, qui se vit, se ressent, plus qu'il ne s'écoute.

Et d'ailleurs, de quoi s'agit-il en fait ? De Doom ? De Drone ? D'Ambient ? Un peu tout cela à la fois en fait sans qu'on puisse vraiment apposer une étiquette, un nom, sur cette création qui s'apparente à une cérémonie aussi expérimentale qu'hallucinée. On sent que le trio s'est réuni pour tenter de capter une forme d'énergie primitive et d'apprivoiser le sacro-saint Riff. En découle donc cette masse bourdonnante, grouillante d'émanations aussi noires que rouillées. Sa structure en deux parties nous permet de l'aborder en détail.

L'écoute démarre avec Bordoni e Bordate, piste de plus de 20 minutes au garrot qui remplit à elle seule près des trois quart du menu. Sa défloration se fait d'abord en douceur (c'est une façon de parler), autour de notes et sons répétitifs. Mais déjà, le climat y est malsain, comme empoisonné par un mal obscur qui le ronge. Pendant de longues minutes immobiles, rien ne semble réellement se passer. Des ambiances oppressantes s'installent tandis qu'une guitare aux contours déglingués lâchent des accords squelettiques en une espèce de transe chamanique. Puis, à mi-chemin, en une saillie brutale, le monstre jusque là presque endormi, tapi au fond de sa grotte forestière, se réveille. La six-cordes se met à hurler, soulignée par de lourdes et hypnotiques percussions sur fond de nappes électroniques aux confins de l'Ambient. Les dernières minutes s'achèvent en un maelström quasi bruitiste, que hante le manche de Matteo, noyé sous les effets  psychotropiques.

Plus court, bien que d'une durée conséquente, Il Suno Circolare Della Ripetizione suit un schéma identique, élévation puissamment souterraine où les premières mesures minimalistes, égrenées par une guitare solitaire et osseuse cèdent ensuite le terrain de manière soudaine à une explosion d'ondes telluriques qui se répandent tel des secousses sismiques. A nouveau, la rupture semble proche. La folie également, qui suinte de ces rushs de six-cordes qui grondent jusqu'à un final aussi terreux que dissonant, râle caverneux qui laisse un goût de sang dans les oreilles.

Une expérience, vide de sens pour une majorité mais qui saura remuer les chairs à vif chez les autres. A écouter absolument au casque et dans l'obscurité d'une nuit éternelle... (Childéric Thor@2015)

BC | Automaton - EoMI Space Sessions With Dr. Space (2015)


BC | Nomad - The House Is Dead (2015)


lundi 12 octobre 2015

Krönik | Soilwork - The Ride Majestic (2015)


Après plusieurs années d'errements discographiques, dont on peut dater le début à "Stabbing The Drama" en 2005, Soilwork en a étonné plus d'un avec "The Living Infinite", double ration d'une qualité presque inespérée sinon miraculeuse. Lui offrir un successeur n'était pas chose aisée. De fait, fortement attendus, les Suédois ne devaient pas décevoir. Se répéter ou resservir la formule faisandée qui a nourri "Sworn To The Great Divide" et "The Panic Broadcast", opus déjà oubliés, serait regrettable voire impardonnable. 

Contre toute attente, le groupe revient avec ce dixième album à un canevas classique, calibré : onze titres pour presque cinquante minutes de musique. Mais, l'inspiration à nouveau au garde-à-vous, Soilwork renoue avec la réussite brute et directe de ses vertes années. L'ère bénie de "Natural Born Chaos", sommet indétrônable de sa carrière, n'est même parfois pas si loin, la présence tutélaire de Devin Townsend en moins, bien entendu. 

Il suffit d'écouter la bombe éponyme en ouverture ou certains passages de 'Enemies In Fidelity' pour se convaincre de cette jouissive proximité. Ceux qui avaient abandonné le navire ces dix dernières années seront rassurés, trop heureux de reconnaître ce qui les avait autrefois séduits chez les Suédois, plus que jamais guidés par celui qui s'est finalement imposé comme le quasi maître des lieux, le chanteur Bjorn Strid. Avec ses vocalises aussi puissantes que versatiles, "The Ride Majestic" lui doit forcément beaucoup, comme l'illustrent 'Death In General' et plus encore 'The Phantom' que ses performances, hurlées ou plus claires, émaillent avec brio.

Dense, le menu aligne les brûlots, hymnes intenses et catchy, mais témoigne pourtant que ses auteurs n'ont pas tout à fait muselé leurs velléités expérimentales. De fait, nombre de détails viennent perturber une écoute plus nuancée qu'il n'y paraît. Claviers progressifs ('Whirl Of Pain'), lignes de guitares gorgées de mélodies ('Father And Son', 'Watching The World Go Down'), cassures impromptues ('Petrichor By Sluphur', pièce d'une richesse superbe), tous les morceaux reposent sur une construction tumultueuse qui les rend à la fois constamment dynamiques et ambivalents dans leurs teintes d'une sombre limpidité. 

Bien que mité par de rares moments moins notables qui, placés en fin de parcours ('All Along Echoing Paths', 'Shining Lights') font quelque peu retomber l'intensité, "The Ride Majestic", oeuvre tout simplement jubilatoire, n'en souffre pas, louchant vers la réussite des trois premiers albums. Ce faisant, il fait donc plus que confirmer la forme retrouvée des Suédois, qu'on croyait presque perdus, en dépit d'un "The Living Infinite" de bonne mémoire. De retour dans la course, ils n'ont donc pas (encore) tout dit, ce qui augure d'un avenir prometteur... (Childéric Thor@2015)