mercredi 30 septembre 2015

Krönik | Abstracter - Wound Empire (2015)


On se doutait bien que Abstracter ne tarderait pas à dévoiler sa nature monstrueuse. Il y a plus de deux ans, "Tomb Of Feathers" avait jeté les bases d'un art aussi vicié que douloureux, sorte de créature effroyable, bien que non dénuée d'une forme de beauté (noire), née de la copulation entre sludge évolutif et black corrosif. 

"Wound Empire" fait mieux que transformer ce premier essai, propulsant les Américains vers les sommets que nous devinions et espérions. Mieux produit que son prédécesseur, cet opus a quelque chose d'une cathédrale aux dimensions gigantesques se dressant au milieu d'un champ de ruines, à l'image de son remarquable visuel.

Ces complus irions étirent leurs tentaculaires ramifications sur des fondations lourdement et profondément enracinées dans une terre sale et ensanglantée. Fidèle à une architecture massive, le groupe enfante quatre pistes qui gravitent toutes autour des dix minutes au compteur, durée colossale leur permettant de remuer vicieusement les chairs. 

Bien que figée par une inexorable et minérale souffrance, l'œuvre, aux traits gris et sévères, pourrait être monolithique et n'être que cela. Or il n'en est rien, non pas que le tempo, aux allures de désespérés coups de boutoir, parvienne jamais à se libérer de sa nasse ferrugineuse, mais Abstracter sait faire progresser sa trame et éviter les longueurs ô combien fâcheuses dans lesquelles sombre trop souvent l'exercice lorsqu'il est entre les mains de médiocres. Ce qui n'est bien entendu pas le cas ici.

Encore une fois, les gars n'inventent rien et il y aura bien toujours quelques grincheux pour le leur reprocher. Soit ! Reste que dans le genre, "Wound Empire" ne saurait être critiqué, bloc de matière brute dont les fissures qui le lézardent laissent échapper des émanations puissamment sombres. 

Atmosphérique parfois, à l'image de la première partie de 'Glowing Wounds' qui s'éteint en revanche sur un final aussi apocalyptique que définitif, mais constamment travaillé de l'intérieur par une tension explosive et malsaine, l'album vibre d'une force souterraine, emporté par les rouleaux d'une batterie rocailleuse ('Lightless'), lourd substrat que raclent des guitares cendreuses tour à tour profondes excavatrices ou pinceaux de tristesse ('Open Veins'). Au loin, le chant, hurlé et broyé, crache sa bile comme si demain ne devait plus jamais exister. 

Tendu comme le foc d'un navire, "Wound Empire" est comme un étau, comprimant toute source de vie et d'espoir. Moins corrompu par le black metal que ne l'était "Tomb Of Feathers", en même temps plus canalisé dans son expression sonore d'une violence paroxysmique, il est un disque plus abouti, confirmant le potentiel de ses  créateurs. (Childéric Thor@2015)

mardi 29 septembre 2015

Krönik | Northern Crown - In The Hands Of The Betrayer (2014)


Comme l'artwork de son acte de naissance le laisse pressentir, NORTHERN CROWN braconne sur les terres du doom, celui qui se veut lyrique et épique, qui n'oublie donc pas que ses racines sont avant tout le heavy metal, option très justement confirmée par la relecture du classique de CANDLEMASS, Crystal Ball.

Il est d'ailleurs évident que ce duo américain a beaucoup écouté les Suédois. Trop diront certains. Mais quand le résultat convainc, peu importe au final que les influences saillent comme des câbles à haute tension. Tel est In The Hands Of The Betrayer, qui amorce l'écoute de ce EP du même sous les meilleurs augures. En quatre minutes environ, le groupe nous ramène plus de vingt en arrière lorsque la bande à Leif Edling comptait dans ses rangs le moine Marcolin, nous faisant (presque) oublier que Frank Serafine, malgré un timbre puissant, n'a pas le talent de son aîné européen.

Reste donc qu'en une demi heure, NORTHERN CROWN pose les jalons d'une carrière non dénuée de promesse et de potentiel. Son seul défaut tient, paradoxalement, dans la cover déjà citée en cela que celle-ci, s'impose comme le point d'orgue d'un menu qui ne manque pourtant pas de tenue, à l'image de A Perfectly Realized Torment. Rien n'y fait toutefois, ce Crystal Ball écrase ses compagnons d'écoute. or, il est toujours fâcheux qu'une reprise se révèle être le Valhalla d'un album...

Ne boudons cependant pas notre plaisir face à ce qui n'est après tout que les balbutiements d'un projet en devenir. Bien qu'un  peu trop long et n'évitant par moment que de justesse la noyade dans le sirop (comprendre, il y a trop claviers donc), un titre de l'acabit de To Thee I Give An Orchid qui du haut de ses dix minutes au garrot, d'une belle puissance mélodique, brassent nombres de (bonnes) idées.

L'actif l'emportant sur le passif, In The Hands Of The Betrayer se veut une honorable découverte, tribut sombre et épique en hommage à notre chère déesse Doom. Ceci étant, NORTHERN CROWN saura-t-il rivaliser un jour avec son mentor ? En a-t-il ne serait-ce que les moyens d'y parvenir ? Il est permis d'en douter, ce qui n'enlève rien à sa valeur, modeste et sympathique comme une bonne série B. (Childéric Thor@2015)

lundi 28 septembre 2015

Krönik | Akentra - Alive (2014)


Séduits en 2010 par un premier album rafraîchissant, nous étions malheureusement depuis sans nouvelles d'Akentra. Le groupe français, qui comptait dans ses rangs à ses débuts deux membres d'Headline, le claviériste Aymeric Ribot et surtout le guitariste Didier Chesneau, est donc enfin de retour, d'où le nom de cette seconde offrande que nous n'espérions plus vraiment. 

Vivants, les musiciens le sont, bien décidés à rattraper le temps perdu. Ils le méritent tant leur gothic metal le vaut bien. "Alive" reprend les choses où les avaient laissées "Asleep". Les qualités soulignées à l'époque ne se sont pas envolées avec ces années d'abstinence discographique, à commencer par cette écriture sophistiquée et élégante qui distinguait déjà il y a cinq ans Akentra des nombreux groupes du même style à l'inspiration moisie. 

Sur un socle serré que recouvrent de lourds sédiments, ces nouvelles compositions, toutes aussi solides qu'irrésistibles, témoignent du long travail de leur auteurs pour en soigner tous les détails, courts tableaux où rien n'est laissé de côté. Varié et dynamique, l'album regorge de (bonnes) idées, illustrées notamment par le très beau 'Lies', titre lent que minent des ambiances désenchantées. 

Citons également le diptyque 'Final Dance' qui voit une seconde partie aux puissants atours succéder à un premier segment plus calme sinon intimiste, 'Future' gainé d'un enrobage appuyé très heavy, 'My Son' et sa mélodie accrocheuse que tissent des guitares entêtantes, témoignages parmi tant d'autres d'un talent encore trop méconnu. 

Bien sûr, comment ne pas évoquer le chant de Lucia Ferreira, clé de voûte de cet édifice à la fois lourd et ensorcelant. Elle se fond dans tous les registres avec la même aisance mais démontre encore une fois toute l'étendue de son talent lors de poignantes accalmies, à l'image de 'The One', respiration dont la sobre beauté n'aurait de toute façon pas pardonné la médiocrité. 

Long de cinquante minutes, "Alive" déroule en définitive un menu que ne grèvent ni baisse de régime ni faute de goût, ponctué de moments magiques. Il honore de manière fidèle et racée un gothic metal plus personnel qu'il n'y paraît car teinté d'une émotion discrète. Cela suffira-t-il pour permettre à Akentra de (re)trouver la place qui devrait être la sienne ? On le souhaite tant cet album transforme l'essai avec intelligence et finesse. Une belle confirmation pour certains, une découverte qui l'est tout autant pour les autres. (Childéric Thor@2015)

dimanche 27 septembre 2015

Krönik | Cold Dark Matter Records - Prima Giedi (2014)


On peut être un modeste (par la taille non par la valeur) label et pourtant réussir l'exploit de rassembler sur une même affiche ce qui se sait de mieux en terme d'Ambient Indus sludge doom etc... hexagonal (surtout). Ce label, c'est Cold Dark Matter dont les deux premières offrandes, celle de FANGE et le split LEBEN OHNE LICHT KOLLECTIV / IMMEMORIAL, nous avaient déjà bien remué les tripes.

L'affiche, c'est une doube compilation baptisée Primo Giedi au menu pantagruellique qui se divise en deux parties, "Deimos" puis "Phobos", soit, excusez du peu, près de deux heures de son(s) ! Et ce qui aurait pu se solder par un gros plat indigeste difficile à terminer, s'enfile avec une étonnante aisance. Car ce qui aurait pu ne se réduire qu'à un catalogue aussi incohérent que fastidieux épouse au contraire la forme d'un ensemble indivisible dont l'apparente hétérogénéité ne grève pas une progression intelligement élaborée où chaque morceau s'imbrique dans un édifice d'art total.

Quel rapport en effet et à priori, entre la dark ambient métaphysique de TREHA SEKTORI et le sludge spatial de BITCHO ? Entre le Doom de HAXO et l'indus mélancolique de KILL THE THRILL ? Peu de choses peut-être si ce n'est la même encre noire du désespoir qui a servi à leur écriture. Pourtant, une belle fluidité caractérise cette indispensable compilation derrière laquelle on sent la présence d'un démiurge qui possède une vraie vision artistique aussi bien qu'esthétique.

Damien Luce, qui en a profité pour y glisser un titre de son ART 238, est ce magicien qui a donc conçu cette somme comme une oeuvre à part entière, bloc aussi halluciné qu'hallucinant, aux dimensions monstrueuses. Du coup, vouloir en détailler soigneusement le menu, piste par piste, semble absurde et contraire à sa forme volontairement unitaire.

Mentionnons toutefois certaines d'entre elles, les contributions respectives de JESSICA 93, qui a des allures d'une respiration salvatrice, quoiqu'obsédante, au milieu de ce magma étouffant, de HENDIADYS et sa longue plainte d'une ambient décharnée et cosmique. Citons également V.I.O.L. et son infernal titre éponyme de quasiment trente aliénées minutes. Sans oublier le 'Berhn Enh Seh Erha' d'un TREHA SKTORI fidèle à un style dont il ne se départira sans doute jamais, ce qu'on ne lui demande pas de toute façon.

Mais arrêtons-là cette description afin de vous laisser emporter par ce voyage aussi sombre que trippant vers des sphères inconnues... (Childéric Thor@2015)

samedi 26 septembre 2015

Krönik | Ashtar - Ilmasaari (2015)


Mari et femme dans la vie, il est donc presque naturel que le Finlandais Marko Lethtinen et celle que l'on connaît sous le seul prénom de Nadine décident de mêler leurs forces dans un projet commun. Ashtar est donc le fruit de cette union. 

Il est fréquent dans les couples que l'un ait l'ascendant sur l'autre, ce qui se vérifie ici. Et c'est la belle, à la fois chanteuse, guitariste et bassiste, qui impose sa griffe au duo, artisan d'un art aussi douloureux que vicié, dans la continuité du doom mortifère de Shever, l'ancien port d'attache de la jeune femme, loin par conséquent du stoner space rock de Phased, l'autre groupe de son batteur de mari. 

Le cadre est posé, (forcément) plombé, rugueux, tellurique, socle étouffant auquel est aussi injectée une puissante dose de black metal ('These Nights Will Shine On'). Le résultat se veut terrifiant d'intensité malsaine, édifice monumental dont les arcs-boutants sont ces guitares directement connectées aux entrailles de la terre, rongées par la rouille et cette voix hurlée, comme frottée avec du papier de verre.

Une chape de plomb s'abat sur "Ilmasaari", premier album aux allures de Golgotha, chemin de croix escarpé sillonnant à travers des paysages meurtris, dévastés. Quarante-six minutes faites de coups de boutoir implacables, imprimant une tension souterraine. Mais Ashtar n'est pourtant jamais aussi bon que lorsqu'il libère un ressac répétitif, tricotant alors des instants pétrifiés comme suspendus au-dessus d'un gouffre sans fin. 

Son art confine alors à une sorte de transe granitique d'où jaillissent des geysers de beauté, à l'image de 'Celestial', épicentre de presque treize minutes au jus, point G d'une lenteur hypnotique à la fois aérien et minéral. Presque instrumentale, cette piste est travaillée par de multiples forces qui la rendent passionnante, justifiant à elle seule l'acquisition de ce galop d'essai taillé pour les admirateurs de la déesse blonde dont les interventions aussi bien derrière le micro qu'en secouant le manche d'une guitare ou d'une basse, font trembler les murs ('Moons'), excavatrice creusant dans le sol un oppressant tunnel conduisant dans les profondeurs de l'indicible. 

Bloc de matière brute et noire, qu'éclairent à peine quelques rais de lumière, "Ilmasaari", est un premier album en tout point magistral, tentaculaire et suffocant mètre-étalon d'un blackened doom d'une vicieuse beauté. (Childéric Thor@2015)

vendredi 25 septembre 2015

Krönik | Mare Cognitum - Phobos Monolith (2014)


On peut toujours faire confiance à I, Voidhanger pour défendre une certaine vision de l'art noir, évolutive et (souvent) passionnante. MARE COGNITUM, la dernière signature de cette sous-division d'ATMF ne déroge pas à cette règle immuable, entité palpitant d'une sève aussi progressive que prolifératrice.

Ce one-man band californien n'en est pas pour autant à son coup d'essai, déjà auteur de deux précédentes offrandes et d'un split partagé avec SPECTRAL LORE. Ces quelques détails associés à un son superbe visuel, sont les précieux indices quant à la teneur de ce Phobos Monolith tentaculaire. Cosmique et mangeur d'espace, cet opus décolle très haut vers des sphères célestes où l'homme n'a pas sa place, oeuvre démiurgique venu des profondeurs d'un trou noir.

Consituée de quatre (très) longues pistes, celle-ci aurait pu paraître difficile d'accès, ardue à pénétrer. Elle aurait aussi pu s'essouffler en cours de route, ce genre de format épique n'étant pas donné à tout le monde. Or il n'en est rien. Mieux et osons le crier très fort, Phobos Monolith se pose d'emblée comme un monument de Black Metal atmosphérique. A son écoute, il est permis de penser un peu à AGALLOCH, pour la voix du seul maître des lieux, le dénommé Jacob Buczarski, la dimension folklorique et automnale en moins.

Ceci dit, une certaine tristesse ourle ces compositions priapiques, notamment 'Noumenon', titre plus posé que le reste du menu galvanisé par une énergie comme venu de la fin des temps. Sa première partie justifie à elle seule sa découverte. L'album s'ouvre en effet sur les 13 minutes de 'Weaving The Thread Of Transcendence', périple fantastique aux multiples aplats. Après une lente et instrumentale entame belle à pleurer qui étend un tapi d'ambiances doucement mélancoliques, le ton se durçit et le titre démarre finalement pour dresser une grandiose érection vers les étoiles. Soulignée par des nappes de claviers aux accents cosmiques, la guitare galope, traçant dans la terre de majestueux sillons.

Propulsé par des blasts tronboscopiques, 'Entropic Hallucinations' braconne sur les terres froides et mécaniques des DARKSPACE et autre BORGNE, pour un résultat aussi beau que cataclysmique. Si, du haut de 15 minutes au compteur, le terminal 'Ephemeral Eternities', ceint de touches plus ambient, n'évite sans doute pas quelques longueurs, ce maigre défaut ne grève en rien l'impressionnante réussite de Phobos Monolith tout du long envoûtant dont chaque écoute donne aussitôt envie de remettre le couvert., marque des grands albums s'il en est... (Childéric Thor@2015)

jeudi 24 septembre 2015

Krönik | Leaves' Eyes - King Of Kings (2015)


On ne présente plus, désormais, Leaves' Eyes, le groupe fondé par Liv Kristine après avoir été éjectée sans ménagement d'un Theatre Of Tragegy qui, ironie du sort, ne s'en est jamais remis. Depuis plus de dix ans, la Norvégienne mène son drakkar, toujours secondée par Alexander Krull (Atrocity), son chanteur de mari, accouchant de nouveaux albums à intervalles réguliers, sans compter ses escapades en solitaires, aussi sucrées qu'insipides bien qu'agréables. 

Sans avoir l'envergure d'un Nightwish ou d'un Within Temptation, son projet s'est donc imposé comme une valeur sûre du gothic metal sympho qu'elle honore avec élégance et une légère mélancolie. "King Of Kings" est (déjà) sa sixième offrande sous cette bannière. Les premiers contacts avec cet opus ne se révèlent pourtant pas très encourageants.  

Un titre pour le moins quelconque, tout juste digne d'un mauvais groupe de power metal et surtout l'impression que Leaves' Eyes cherche à braconner sur les terres de Nightwish, la flamboyance en moins, comme semble l'annoncer d'entrée de jeu le morceau éponyme aux arrangements grandiloquents, augurent d'une inspiration et d'une personnalité en berne. Heureusement, l'album vaut mieux que ces décevants préliminaires. Ses traits sont plus durs que sur "Symphonies Of The Night", son prédécesseur, à l'image de 'Halvdan The Black', sur lequel plane toutefois un peu trop l'ombre des Finlandais. 

Tavelé comme toujours de couleurs folkloriques ('Vengeance Venom'), le menu doit bien sûr beaucoup à la voix de Liv Kristine, capable de toutes façons à elle seule de sauver n'importe quelle chanson. Ses (nombreux) admirateurs seront enchantés par ses lignes ensorcelantes, clé arc-boutant d'un édifice certes peu novateur ('The Waking Eye'), mais aussi chaleureux qu'efficace. 

Si elle se coule à merveille dans un cadre épique, ce qu'illustrent les très réussis 'Edge Of Steel' et 'Blazing Waters', on la préfère finalement dans un registre plus intimiste, plus sobre sans doute aussi, témoin la ballade teintée d'amertume 'Haraldskvaedi', qui sied admirablement à la pureté cristalline de son timbre. 

Que dire d'autres à propos de "King Of Kings" si ce n'est qu'il s'inscrit dans la lignée de ses aînés dont il partage la même qualité, poursuivant une évolution plus cinématique encore, à l'œuvre depuis "Njord". Ni simple album de plus ni pierre angulaire de la carrière de ses auteurs, il peaufine une identité au charme délicieusement glacé. (Childéric Thor@2015)

mercredi 23 septembre 2015

Krönik | Satanic Warmaster - Fimbulwinter (2014)


Incapable de se contenter d'une seule maîtresse à lutiner, Werwolf multiplie depuis toujours les projets et autres collaborations plus ou moins durables, expliquant pourquoi SATANIC WARMASTER, son principal port d'attache, ne livre que très rarement un nouveau véritable méfait, quand bien même l'homme n'est jamais avare de sa maléfique semence qu'il crache régulièrement par le biais d'un grand nombre de démos, 7'' et autres lives. Mais il n'en demeure pas moins que le successeur de Nachzeher, offert en 2010, était fortement attendu.

Quatre ans plus tard déboule donc ce Fimbulwinter par ailleurs assez étonnant, non pour sa valeur, égale à celles de ses devanciers mais pour ses atours des plus mélodiques. Cela se vérifie à tous les niveaux, qu'il s'agisse de la prise de son, claire et tellement loin de la croûte grésillante et Evil à laquelle SATANIC WARMASTER nous avait habitué dans le passé, que de ces ambiances qui n'appuient jamais vraiment sur l'interrupteur, témoin la reprise de Vornat, 'Korppi' cependant que les claviers, de part leur importance, ont tendance à vider le menu de sa négativité ('When Thunder Hail') et ce, nonobstant la rapide brutale qui propulse une bonne moitié de celui-ci, à l'image de 'Dragon's Egg'.

Plus long que ses aînés, Fimbulwinter est en réalité en deux parties. A un premier segment, sans doute moins intéressante car plus quelconque et qu'animent les titres les plus directs, en succède ainsi un second aux pistes plus étirées, oscillant entre sept et huit minutes au jus, davantage portées sur les atmosphères sombres et glaciales. C'est tout d'abord 'Nuin-Gaer-Faun' dont une bonne moitié est instrumentale, puis 'Winter's Hunger' qui, après un furieux début, guidé par des guitares abrasives, mute en plage immobile aux couleurs hivernales, parfaite transition annonçant le terminal 'Silent Call Of Moon's Temples', lente respiration synthétique égrenant les notes minimalistes d'un Ambient Black Metal suintant une solitude infinie.

Malgré ses réelles qualités, cette nouvelle offrande déçoit quelque peu surtout après ses quatre années d'attente. On attendait mieux et plus sinistre de la part de SATANIC WARMASTER dont Nachzeher, notamment, demeure un modèle du genre. Reste un album efficace et très bien fait bien que trop vierge de cette froide et forestière négativité que nous recherchions... (Childéric Thor@2015)

mardi 22 septembre 2015

Krönik | High On Fire - Luminiferous (2015)


Quand bien même aucun mauvais disque ne plombe vraiment sa discographie, force est de reconnaître toutefois que, depuis une dizaine d'années, High On Fire alterne réussites majeures et semi-déceptions qui certes abattent toujours le petit bois. Au rang des premières, citons "Blessed Black Wings" et "Snakes For The Divine", dans celui des secondes, "Death Is This Communion" et "De Vermis Mysteriis". Un coup sur deux donc. 

En toute logique, "Luminiferous" devrait tout détruire sur son passage. Dont acte. Osons même le dire, cela faisait longtemps que les Américains ne s'étaient pas montrés aussi hargneux, prouvant, si besoin en était encore qu'ils restent les maîtres incontestés du stoner doom velu, celui qui sent sous les bras, celui qui fait peur, loin du psychédélisme mou du zizi et de la fumette. Encore que Matt Pike, leur leader, n'a jamais caché son attirance pour les paradis artificiels, illustrés par les galettes de Sleep, "Jerusalem" et "Dopesmoker". 

Bref, tout ça pour dire que cette septième enclume ne fait pas dans la dentelle, capable de faire trembler les murs. C'est d'ailleurs un véritable mur qu'érige le trio, mur de riffs granitiques contre lequel vient s'écraser une rythmique testiculeuse, à l'image des rouleaux de batterie telluriques du fidèle Des Kensel. L'album a quelque chose d'une curée à base de guitares épaisses et de chant rugueux biberonné au Destop. 

Alors soit, High On Fire ne quitte jamais les rails sur lesquels il est lancé à vive allure, hormis peut-être le temps de 'The Cave', espèce de power-ballad épique qui serait le fruit de la copulation entre Manilla Road et Motörhead. Qu'importe car c'est justement ce qu'on demande au groupe qui déçoit souvent lors de ses tentations évolutives ("De Vermis Mysteriis"). 

Laissant plus qu'affleurer des racines thrash qui n'ont jamais quitté ses géniteurs, "Luminiferous" galope à travers un champ de bataille ravagé, baignant dans la boue et le sang. Les cinq minutes et trente-deux secondes de 'The Black Plot' suffisent aux Ricains pour mettre les points sur les "i" et ce faisant, balayer tel un fétu de paille le souvenir mitigé laissé par le disque précédent. La messe est dite avec ce mammouth qui écrase tout sur son passage. 

Carburant au Viagra par boîte de douze, les gars affichent une énergie dure comme le roc, serrant le frein à main comme sur les implacables rouleaux-compresseurs que sont l'immense 'Carcosa' et 'The Falconist' ou bien fonçant au contraire pied au plancher le temps de cartouches plus trapues bien qu'aussi généreuses en plomb ('The Sunless Years', 'Slave The Hive'). L'orgasme est atteint lors du terminal et grondant 'The Lethal Chamber', temple monstrueux et cyclopéen qui vibre sous les coups de boutoir d'une force obscure et souterraine. 

Digne héritier de "Snakes For The Divine", "Luminiferous" s'impose donc comme une des meilleures offrandes de High On Fire. (Childéric Thor@2015)

lundi 21 septembre 2015

Krönik | Anthares - To My Last Breath (2014)


Dinosaure sur le papier, du haut de ses (quasi) vingt ans d'âge (voire même davantage si l'on compte ses débuts sous le nom de BLOODY HOPES), ANTHARES n'en demeure pas moins un groupe à l'aura modeste, la faute à une carrière ponctuée de trop longs silences. Mais les Français peuvent être considérés comme des vétérans de la scène Thrash hexagonale et cela s'entend. Doublement, dans la forme comme dans le fond.

D'une part, loin de quelques puceaux du son qui n'étaient même pas encore conçus lorsque MEGADETH publiait son Rest In Peace , les gars possèdent au contraire l'assurance tranquille de vieux briscards à la technique éprouvée quoique sans bavure. Ca, c'est pour la forme. D'autre part, nourris au Thrash originel, ils restent viscéralement attachés à une approche (désormais) old-school du genre, dépassée peut-être pour certains mais pourtant intemporelle. Voilà pour le fond, classique quoique efficace.

Scellant le retour de la formation bretonne après un hiatus discographique de seize ans, To My Last Breath se veut donc un album de Thrash à l'ancienne biberonné aux vieux METALLICA, à la Bay Area plus qu'à école française des LOUDDBLAST et autre AGRESSOR qui ont de toute façon toujours davantage lorgné vers le Death. Le chant hargneux de Julien n'est à ce titre, pas sans évoquer le Hetfield des débuts, comparaison des plus flatteuses s'il en est.

Disque à l'ancienne peut-être, le successeur de "Pro Memoria" ne saurait toutefois être perçu comme une rondelle poussièreuse et datée. Si la prise de son ne peut bien sûr soutenir la comparaison avec celle, monstrueuse, du Exhibit A d'EXODUS (pour rester chez les anciens), elle laisse néanmoins chaque instrument s'exprimer, s'épanouir avec une puissance authentique. Maintenant ferme une nerveuse érection, To My Last Breath déroule un menu tendu et testiculeux, mélodique et acéré à la fois, brochette d'hymnes tous plus imparables les uns que les autres, de ceux qui s'accrochent à la mémoire comme une moule à un rocher.

Sept titres, sept brulôts au format resserré auxquels on reprochera seulement de n'être pas plus nombreux car, après tant d'année d'abstinence, l'opus qui ne franchit même pas la barre des trente minutes au compteur, se pare d'un goût de trop peu. Au moins n'y a-t-il rien à jeter dans cette courte collection à l'intensité fermement dressée.

Et quel plaisir de pouvoir savourer un album de ce genre, direct, dépourvu d'esbrouffe et de prétention, un disque sincère, d'une admirable simplicité et toujours inspiré. Bref, un des meilleurs disques de Thrash entendu depuis longtemps, ni plus ni moins ! (Childéric Thor@2015)

dimanche 20 septembre 2015

Krönik | Amorphis - Under The Red Cloud (2015)


Depuis une dizaine d'années et l'arrivée de Tomi Joutsen derrière le micro, les albums d'Amorphis se suivent et se ressemblent (beaucoup). Constants dans une qualité d'écriture que rien ne semble devoir éroder, même pas l'usure du temps, les Finlandais restent fidèles à une empreinte reconnaissable entre mille. Au moins, son public ne saurait être déçu, trop heureux de piocher dans chaque nouvelle livraison son quota d'hymnes inusables. 

Il serait pourtant injuste d'affirmer que leurs offrandes sont interchangeables car de discrètes nuances les distinguent en réalité les unes des autres. Il suffit d'écouter "Under The Red Cloud" pour s'en convaincre, successeur du solide "Circle", lequel nous avait rassurés après un "The Beginning Of Times" inodore bien que plaisant, comme toujours. Alors certes, la recette demeure immuable, tout comme ce canevas basé sur dix titres au format resserré, ciselés comme une mécanique d'orfèvrerie. 

Selon son habitude, Esa Holopainen décoche des riffs ensorcelants beaux comme un chat qui dort, comme sur 'Bad Blood', sans doute le Valhalla de l'album, les claviers de Santeri Kallio étendent un tapis soyeux tandis que Joutsen alterne grognements caverneux de sangliers en rut et chant clair, cadre connu néanmoins perturbé par un ton (un peu) plus dur qu'à l'accoutumée. 

De fait, si l'ensemble sonne toujours très mélodique, teinté de couleurs folkloriques ('Sacrifice'), les racines extrêmes du groupe font cette fois-ci plus qu'affleurer à la surface grâce à un Tomi plus hargneux que jamais, témoins par exemple les sombres 'The Skull', aux lointaines réminiscences de "Far From The Sun" et surtout 'The Four Wise Ones'. Nous ne manquerons pas de signaler aussi les touches orientales qui drapent 'Death Of A King' et 'Enemy At The Gates', dont la noire et lourde architecture surprend agréablement. 

Vous l'aurez donc compris, ce n'est pas encore cette fois qu'Amorphis décevra ses fans. Relativement plus death que ses directs prédécesseurs, "Under The Red Cloud" s'impose peut-être comme le meilleur opus des Finlandais depuis "Skyforger". Ce faisant, il illustre la forme éclatante d'un groupe qui ne fait décidément pas ses 25 ans d'âge. (Chiléric Thor@2015)

samedi 19 septembre 2015

Krönik | Mesmur - S/T (2014)


Ce qu'il y a de chouette avec la technologie d'aujourd'hui et la dématérialisation, c'est que des musiciens localisés en divers points du globe peuvent tout de même se réunir et monter un groupe !

Tel est ainsi le cas de MESMUR, formation qu'on peut donc qualifier d'internationale, dont les membres sont basés aux Etats-Unis, en Norvège et en Australie ! Pourtant musique sombrement organique, le Funeral Doom que forge cette nouvelle entité ne souffre ni de l'éclatement de ses ressources humaines ni du pedigree finalement assez obscur de ses géniteurs.

Au contraire car ce premier essai éponyme s'impose même d'emblée comme une des plus vertigineuses - et donc aussi une des plus réussies - offrandes que cette chapelle doloriste nous ait offert depuis longtemps, à tel point que celui-ci semble être l'oeuvre de prêtres chevronnés ayant le doom funéraire chevillé au corps. Or ce n'est pas le cas. Le mérite de MESMUR n'en est donc que plus grand.

L'album est de ceux qui se vivent, se ressentent plus qu'ils ne se décortiquent (vainement) dans les moindres détails. Face à cet opus aux allures de bloc austère, sa genèse, sa conception, importent assez peu, pétrifiant sur place le pèlerin qui ose s'aventurer dans ses terrifiantes arcanes. L'oeuvre tire une bonne part de sa réussite de sa pureté. Pureté de traits que ne parasitent jamais aucun kystes extérieurs. Pureté de ton que mine une mélancolie aussi belle qu'absolue.

Entre EVOKEN et MOURNFUL CONGREGATION, MESMUR reste en définitive fidèle à une vision du genre classique, aux frontières d'un death doom rocailleux. Ce qui ne signifie absolument pas que son art soit daté car, grondant d'une véritable puissance souterraine capable de faire trembler les murs. L'opus déroule un menu aux lignes sévères et épurées qu'incarnent cinq longues plaintes dont le pesant monolithisme est brisé, ici par une cendreuse accélération ('Deprivation'), là par de discrètes notes de piano fantomatiques et néanmoins mélodiques ('Abnegate').

Malgré la triste beauté d'une toile enveloppante que tissent les guitares ('Descend'), peu de lumière ne filtre cet impénétrable rideau de brume qu'étend chant d'outre-tombe et rythmique en apnée. Mesmur est comme une marche funéraire sans espoir de retour, plongée dans l'indicible d'une force granitique, route menant à une cathédrale de désespoir dont les parois, froides comme la roche en hiver, s'abîment dans les profondeurs de la terre. (Childéric Thor@2015)

vendredi 18 septembre 2015

Krönik | Morbid Angel - Gateways To Annihilation (2000)


Septième méfait de Morbid Angel, "Gateways To Annihilation" marque la seconde collaboration du groupe avec Steve Tucker. Si "Formulas Fatal To The Flesh" semblait presque être le fruit du seul Trey Azagthoth, son successeur se rapproche davantage d'une oeuvre collégiale. Le chanteur a trouvé sa place, participant même à la composition de quelques titres, cependant que le guitariste Erik Rutan est déjà de retour, après un hiatus de trois ans et en attendant de quitter de nouveau le vaisseau, définitivement cette fois-ci, en 2002. 

Réputés pour la vélocité de leur Death Metal, les Américains surprennent avec ce disque qui les voit serrer le frein à main plus que de coutume, quitte à décevoir une partie de leur public. A tort. A son écoute, on mesure pourtant que Morbid Angel n'a pas mis en jachère sa noirceur malsaine, bien au contraire car de ces tempos pesants, reptiliens, suintent une négativité oppressante qui fait de cet album l'un des plus terrifiants jamais enfantés par ses créateurs. Et donc l'un des meilleurs également. 

Sous-estimé à sa sortie justement pour son soi-disant déficit en brutalité, "Gateways To Annihilation" mérite de fait d'être réévalué à sa juste valeur, car quinze ans après sa publication il n'a rien perdu de sa force souterraine. Mieux, par ses traits puissamment cryptiques, il apparaît comme une œuvre visionnaire. Contrairement à "Formulas Fatal To The Flesh", labyrinthe sinueux malheureusement parasité en fin de parcours par des pistes instrumentales qui ne se justifiaient pas, cet opus a quelque chose d'un bloc suffocant et indivisible d'une terrifiante densité.

Passée une introduction bizarre, l'étau se serre d'emblée avec 'Summoning Redemption', longue excavation rampante forant les arcanes de la terre guidée par les lignes de guitare cosmiques comme venues d'une autre planète du maître Azagthoth. Même constat avec 'Angeless, Still I Am', plongée infernale dans les profondeurs d'un puits sans fin. Bien que toujours très technique, Morbid Angel mise sur les ambiances, sur les atmosphères viciées et n'est parfois pas si éloigné que cela d'un death doom abyssal, témoin 'He Who Sleeps', rouleau-compresseur qui fait trembler les murs. 

Il faut attendre 'To The Victor The Spoils' pour que le rythme commence réellement à s'emballer, malgré des guitares toujours accordées plus bas que terre, ouvrant sur une seconde partie sans doute plus conforme à ce que certains attendent des Américains ('Secured Limitations', 'Opening Of The Gates'), encore que nombre de pistes s'abîment dans les méandres obscurs d'une lourdeur hallucinée, à l'image de 'At One With Nothing' aux échappées démentielles, et surtout du terminal 'God Of The Forsaken', épilogue définitive et cette fois réussie d'un opus certes plus lent que ses devanciers et ses successeurs, mais finalement (plus) redoutable dans sa brutalité cyclopéenne. 

Coincé entre "Formulas Fatal To The Flesh" et "Heretic", "Gateways To Annihilation" ne s'impose pas seulement comme le meilleur album de la période Steve Tucker  mais comme une des œuvres majeures du groupe, avec "Blessed Are The Sick" dont il se rapproche par ses ambiances sombrement bourgeonnantes. (Childéric Thor@2015)

jeudi 17 septembre 2015

Krönik | Abaton / Viscera/// - Diade(ms) (2015)


Petite rondelle de douze minutes à peine, Diade(ms) fait portant très mal. Si de loin, l'objet épouse les traits d'un simple split, en ce sens qu'il paraît unir deux groupes remplissant chacun une face avec un titre, de près, il se veut surtout le fruit d'une collaboration entre deux artisans de la chapelle Sludge/doom italienne tant leur semence semble ne faire qu'une.

Plus qu'une banale addition, ce 7'' est un tout indivisible et cohérant dont chaque partie a été conçue comme telle. Douze petites minutes peut-être mais une belle claque dans la gueule quand même. Ce bout de plastique semble peser une tonne. C'est lourd, c'est heavy, c'est evil. Son format le permettant; voyons voir ce que Diade(ms) a dans le slip.

Face A : ABATON dégueule ce 'Special Needs' atrabilaire et écorché, tendu comme une verge gonflé de haine. Le groupe gravite au-dessus d'un gouffre béant, d'une noirceur vaginale, à la lisière d'un Hardcore granitique. La lourdeur pachydermique du tempo n'empêche pas les Italiens d'enclencher de fielleuses accélérations entre deux pesants coups de boutoir. Chant de bête en rut, batterie aux allures de falaise contre laquelle vient s'écraser des guitares rongées par une sourde négativité secouent cette pulsation rageuse.

Face B : VISCERA/// accouche d'un macération au climat plus étouffant. Plus lent,  'Pandemic' fouaille les boyaux d'un death doom pétrifié dont les burins sont ces riffs granuleux aux sécrétions douloureuses et d'une triste beauté. Si la cadence s'emballe lors des dernières mesures, l'ensemble est miné par une profonde inexorabilité. C'est superbe.

Co-produit par plusieurs labels dont Diodrone et Sentient Ruin, Diade(ms) se révèle être un joyau obscur, gemme luisant d'un éclat noir qui naît de cette fiévreuse copulation entre Doom abyssal et Sludge tellurique. Dans le genre, il est indispensable. (Childéric Thor@2015)

mercredi 16 septembre 2015

Krönik | Drudkh - A Furrow Cut Short (2015)


On a beau aimer Roman Saenko, le trouver talentueux et le suivre depuis une bonne quinzaine d'années, il est cependant de bon ton aujourd'hui de reconnaître l'incontestable érosion de sa créativité. Entre un Hate Forest jamais remplacé, un Dark Ages, son jardin secret dark ambient aussi méconnu que gigantesque, désormais dans la fosse, et une multitude de projets à l'avenir incertain (Rattenfänger, Precambrian) ou déjà enterrés à l'image du sous-estimé Old Silver Key, la direction que prend la carrière de l'Ukrainien parait confirmer ce déclin sinon cette aura disparue, celle qui nappait jadis les premières offrandes de Drudkh qu'il n'est plus jamais vraiment parvenu à capter de nouveau, au moins depuis "Microcosmos", quand bien même "Handful Of Stars", par exemple, égrenait encore et à sa manière sinistre un feeling désespéré à souhait. 

Mais, si chaque nouvel opus de l'un de ses groupes laisse tout d'abord une impression positive, force est pourtant d'admettre que le temps leur est souvent fatal. Que retenir en effet de "Dark Star On The Right Horn Of The Crescent Moon" de Blood Of Kingu ou de "Eternal Turn Of The Wheel" de Drudkh justement ? Un sort identique sera-t-il réservé à "A Furrow Cut Short" ? Les nombreuses heures passées à l'écouter nous laisse pourtant penser qu'il a le potentiel pour bien vieillir, pour imprimer son empreinte dans un sol ensanglanté. 

Non pas que Saenko ait réussi à raviver la flamme mélancolique qui brûlait dans le cœur de "Forgotten Legends" mais avec ce dixième album (déjà !) sous la bannière de ce black atmosphérique maintes fois copié et néanmoins rarement égalé, il tend (enfin) à faire progresser son art, à briser certains automatismes, quoique sa signature reste reconnaissable entre mille, surtout depuis que son line-up s'est stabilisé autour de l'inébranlable duo qu'il forme avec le fidèle Thurios. 

Premier constat, le groupe a abandonné les intros, outros et interludes de rigueur pour ne coucher sur bandes que de vrais titres qui, pour la plupart, gravitent autour des dix minutes au compteur, format toutefois habituel pour nos Ukrainiens. Deuxième constat, ceux-ci semblent avoir trouvé l'équilibre juste entre d'un côté une noirceur froide et haineuse, que le chant rageur incarne parfaitement, et de l'autre cette lancinante mélancolie, cet éclat atmosphérique qui ont fait leur réputation. Troisième et dernier constat, les nappes de claviers se font cette fois-ci plus discrètes, ce qui est (forcément) une bonne nouvelle. 

Il en résulte un album certes dans la lignée de "Eternal Turn Of The Wheel", pour le son et une certaine âpreté notamment, cependant plus proche de "Blood In Our Wells" que de "Handful Of Stars". L'œuvre marque surtout le retour des grandes compositions, celles qui creusent de profonds stigmates dans la mémoire et feront date à coup sûr. 

Tel est le cas dès le premier diptyque de l'album, 'Cursed Sons', lequel traduit toute cette ambivalence, conjuguant férocité tranchante et envolées envoûtantes. Rapide bien que fissuré dans sa seconde partie par des breaks aussi superbes que lancinants pendant lesquels la basse sonne avec une rondeur tellurique, 'To The Epoch Of Unbowed Poets' se révèle du même tonneau. 

Plus lent, 'Embers' ouvre de vastes et épiques paysages tandis que le second segment de 'Dishonour', en plongeant dans le passé, nous rappelle quel grand groupe demeure toujours Drudkh même si la magie de l'époque "Forgotten Legends" et "Autumn Aurora" s'est définitivement envolée, ce que l'on a depuis longtemps compris... (Childéric Thor@2015)

mardi 15 septembre 2015

Krönik | Sources Of I - Faces (2015)


A la différence de bien d'autres peintres de l'art noir qui comme lui sont pris de frénétiques diarrhées créatrices, Déhà ne compte pas parmi ces misanthropes reclus chez eux bricolant tout seul dans leur coin des rondelles par palettes entières, aimant au contraire mêler sa généreuse semence à celles d'autres êtres vivants. C'est pourquoi, à peine installé dans la capitale bulgare, l'homme s'associe déjà avec une poignée de musiciens du cru afin de former un nouveau projet, un de plus, dont le premier signe de vie vient encore grossir une discographie bourgeonnante.

SOURCES OF I, c'est son nom, rassemble donc autour de notre cher multi-instrumentiste, des gars issus de groupes tels que INSPELL ou DIMHOLT, inconnus chez nous mais jouissant semble-t-il d'une certaine réputation là-bas. Présent aussi bien devant (chant et basse) que derrière la console, Déhà leur apporte son savoir-faire, assurant de facto la réussite de cette plutôt prometteuse carte de visite. Maigre par son format car long d'à peine vingt minutes, Faces n'a pas besoin de plus pour témoigner du potentiel de ses géniteurs.

Ainsi, en trois titres dégorgeant de grandes qualités de canevas aussi bien que d'atmosphères, ce EP esquisse un Black Metal que contaminent de mortifères kystes doom. Animé par trois pistes, le menu doit beaucoup à la première d'entre-elle, la meilleure du lot, la plus belle aussi, longue rumination de près de dix minutes au garrot et parfaite illustration d'une identité déjà fixée. 'Discrepancy Of Life' dévoile les atours d'un metal noir aussi malsain que sinueux dont l'architecture foncièrement dynamique trahit à la fois une écriture très élaborée et sa difficile définition.

De fait, si le chant hurlé, les guitares pollués et la lenteur de certains aplats pourraient arrimer SOURCES OF  I au courant DSBM, de multiples détails, à commencer par une dureté de traits et un tempo qui s'emballe sournoisement, viennent en partie infirmer cette impression. Ce que confirment ensuite le plus resserré 'Shadow Of The Stars' puis 'When You Will Close My Eyes', qui évoquent, de manière certes lointaine, le SHINING originel (celui de Livets Ändhållplats), en plus mélodique quoique tout aussi froid dans son expression d'une négativité plus introspective qu'agressive.

S'il n'est pas la progéniture la plus aboutie de Déhà, il n'en demeure pas moins que SOURCES OF I n'est pas qu'un simple projet de plus, ayant sa raison d'être et une personnalité réelle que déflore ce Faces dont la courte durée ne l'empêche pas d'être alléchant et d'annoncer ce faisant quelque chose de plus grand encore. (Childéric Thor@2015)

lundi 14 septembre 2015

Krönik | The Sword - High Country (2015)


Si les grands albums se reconnaissent (souvent) par cette capacité précieuse à ne se dévoiler que par petites touches pointillistes, alors "High Country" en est un. Incontestablement. 

Car on ne retient tout d'abord pas grand-chose de ce cinquième album de The Sword dont le menu est mité par de nombreuses pistes très (trop) courtes. Quand bien même ses auteurs ne se sont jamais distingués par le goût pour les compos épiques, ce canevas à base de quinze titres n'est pas de très bon augure. Décevante se veut donc sa défloration, surtout pour les fans de la première heure, dont fait partie votre serviteur, lesquels estiment, non sans raison, que les Américains ont bien changé depuis "Age Of Winters" en 2006, troquant progressivement leur stoner doom nourri à la mythologie nordique pour un hard rock solidement ancré dans la terre du Texas, évolution que ce nouvel opus scelle aujourd'hui (sans doute) de manière définitive. 

Ceci dit, le groupe possède une identité bien marquée, toujours reconnaissable, notamment grâce au chant du guitariste en chef J.D. Cronise. Puis, comme cela arrive parfois, le miracle survient, le charme finit par opérer, la magie s'installe, durablement. Malgré une intro sans intérêt en guise de préliminaire, les qualités de "High Country" se dressent peu à peu  pour finalement exploser en un puissant geyser d'effluves terreux et électriques. 

Ecriture ramassée et mélodies insolentes de beauté définissent cette collection d'hymnes énergiques dont les traits laisseront de durables sédiments dans la mémoire, joyaux ciselés comme de petits tableaux où chaque détail compte. De fait, comment résister à des titres tels que 'Empty Temples', 'Tears Like Diamonds' ou 'The Dreamthieves' et ces nappes de claviers délicatement spatiales, pour n'en citer que trois ? Impossible. Tout y est, la classe, le feeling, le talent. 

Habillé d'une prise de son rugueuse, l'album doit aussi sa réussite à sa diversité, alternant mécaniques fonçant pied au plancher, à l'image du fabuleux instrumental tout en progression 'Suffer No Fools' et pulsations lentes et ambiancées dont la plus belle se révèle certainement être 'Seriously Mysterious', nimbé lui aussi de volutes cosmiques et enrichi de chœurs séduisants. Faussement simple, chaque pièce composant "High Country" mériterait en réalité d'être nommée, preuve en est, à la fois de la maîtrise de The Sword, ce que nous savions déjà, et surtout de la valeur de ce disque, ce dont nous doutions quand même un peu au départ. 

Moins doom que "Gods Of The Earth", moins stoner que "Warp Riders", ce cru 2015 des Américains est tout simplement un grand disque de Rock avec un grand R, évidente pierre angulaire d'une carrière qui ne cesse de s'enrichir.

dimanche 13 septembre 2015

Krönik | Aries - D'ombres et de flammes (2015)


Premier (petit) signe de mort, étirant toutefois sa toile sur plus de 25 minutes, d'un groupe aux allures de one-man band qui n'a vu la nuit qu'il y a quelques mois à peine, D'ombres et de Flammes , n'en mérite pas moins l'attention et ce, pour plusieurs raisons.

D'une part parce que cette modeste auto-production qui agglomère quatre titres, n'a rien de l'étron vite-fait mal-fait. Au contraire, elle développe un concept ambitieux sinon intéressant inspiré du romantisme du XIXème siècle, ce qu'illustrent à la fois le visuel tiré de l'oeuvre "Le char de la mort" du peintre Théophile Schuler, ainsi que les textes écrits dans la langue de Molière et dont le second, celui de 'Souvenir du pays France', est bien entendu un poème de Châteaubriand.

D'autre part, enfin et surtout, car ARIES esquisse déjà un art dont on devine que ces quatre titres n'en font que déflorer l'évident potentiel. Mélodiques et constamment dynamiques en ce sens qu'elles reposent sur un socle aux reliefs accidentés, ces compositions arborent les traits abrupts d'un Black Metal traditionnel mais nerveux, aux accroches acérées et que déchirent des breaks sournois. Ouvrant les cuisses de ce EP, le morceau éponyme témoigne de ces qualités, sombre saillie dont la trame véloce est perforée par de lourdes crevasses.

'Souvenir du pays de France' et ses arpèges en guise de préliminaires, 'Poussières de Renaissance', aux modelés plus atmosphériques bien que secoués d'accélérations tempétueuses, puis 'Hyperborée' et ses lignes de guitare obsédantes, complètent ce solide tableau auquel certains grincheux reprocheront sans doute de pâtir d'une prise de son un peu trop crue alors qu'elle confère justement à l'ensemble son authenticité ainsi qu'un feeling sévère qui lui sied plutôt bien.

S'il serait exagéré de faire de cet opuscule une découverte incontournable mais que ses auteurs ne manquent pas d'idées, livrant un galop d'essai dont ils n'ont pas à rougir car largement au-dessus du lot de la production courante. Un groupe à encourager donc et que nous suivrons avec non moins d'intérêt... (Childéric Thor@2015)

samedi 12 septembre 2015

Krönik | Black Trip - Shadowline (2015)


Formé en 2004, ce n'est que neuf ans plus tard que la carrière de Black Trip démarre vraiment, en livrant (enfin) un premier album, "Goin' Under", long tunnel qui peut sans doute s'expliquer par le peu de temps que son principal fondateur, Peter Stjärnvind, a à lui accorder pendant toutes ces années, trop occupé entre Entombed dont il est le batteur entre 1997 et 2006, Nifelheim, Krux et bien d'autres encore.

Son agenda le lui permettant désormais, ce véritable mercenaire de la scène extrême suédoise semble vouloir maintenant se concentrer sur ce projet dans lequel il tient la guitare (et autrefois la basse). Autour de lui, nous retrouvons une belle brochette de musiciens au sombre pedigree, de Dismember à Necrophobic, de Ordo Inferus à Exhumed. Bref, du lourd, du evil, du qui ne rigole pas.

Etonnamment ou non, Black Trip ne braconne pourtant pas sur ces champs démoniaques ou putrides, mais galope à travers les terres d'un heavy metal franchement old school, celui des premiers Maiden. En moins punk et plus lisse toutefois car gorgé de mélodies racées. Qualité qu'il doit autant au chant de Joseph Tholl (Enforcer) qu'à ses lignes de guitares certes nerveuses mais surtout entêtantes.

Le résultat est cette seconde cuvée, baptisée "Shadowline", collection d'hymnes tous plus imparables les uns que les autres, serrés dans ce menu râblé d'une petite quarantaine de minutes. Comme souvent avec les Suédois, l'album est difficile à prendre en défaut. Dépouillée, la prise de son claque et reste moderne, ça joue bien, au point de croire que le heavy coule dans les veines de ces gars depuis toujours, ce qui est peut-être bien le cas d'ailleurs.

Rien à dire donc, tout y est. Une seule écoute suffit pour être ferré, grâce à cette science immuable du riff qui fait mouche, de la mélodie accrocheuse qui s'imprime durablement dans la mémoire, de 'Die With Me', qui ouvre les portes jusqu' au point final 'Coming Home'. Lent parfois, à l'image du reptilien 'Subvisual Sleep' qui trace des lignes fascinantes, bien que le plus souvent rapide, lancé comme un bolide, "Shadowline" va à l'essentiel.

Opus simple et sans fioritures, son magnétisme trahit cependant un vrai travail d'orfèvre ('Sceneries'), expliquant sa réussite et sa supériorité par rapport à tous ses concurrents aux regards braqués dans le rétroviseur du passé. Tout aussi nostalgique et peu original, Black Trip a pour lui cette inspiration d'une classe insolente et naturelle qui fait la différence et lui permet de s'élever bien au-dessus du banal trip vintage à la mode. Il paraît ainsi bien difficile de résister à cet album taillé pour le live. (Childéric Thor@2015)